Avec les habitudes, notre cerveau dispose d’un des moyens d’apprentissage les plus redoutables. Au menu : valeur à vie du client, flexibilité au prix, croissance, avantages compétitifs…
J’ai déjà lu 2 fois le livre « Hooked » de Nir Eyal (« Comment créer un produit ou un service addictif » en français) et pourtant, je ne t’en ai encore jamais parlé sur le blog.
Quelle erreur de ma part !
Hooked est une référence qui a popularisé beaucoup d’études autour la psychologie sociale et l’économie comportementale.
Au fil des pages, l’auteur décrypte le mécanisme de l’addiction à un produit ou à un service.

Personnellement, j’aime beaucoup ce livre. Je le classe même sans hésitation dans ma liste » livres modèles mentaux », à côté de :
- « Influence et manipulation » Robert Cialdini,
- « Comment se faire des amis » de Dale Carnegie,
- « Système 1 Système 2 » de Daniel Kahneman,
- « C’est vraiment moi qui décide » de Dan Ariely,
- « Made to stick » Chip & Dan Heath.
Avant que j’oublie, tu peux également lire :
- Economie comportementale : les 2 vitesses de la pensée,
- L’essentiel du Pouvoir des Habitudes de Charles Duhigg,
- S’organiser au travail : mon organisation de freelance,
- L’art de lutter contre l’excès de confiance avec l’économie comportementale.
Prêt(e) ?

AU MENU :
OK Guillaume, tu peux nous donner une définition des habitudes ?
Avec plaisir…
Les habitudes naissent lorsque notre cerveau prend un raccourci et arrête de réfléchir à l’étape suivante. Notre cerveau apprend (très) vite à codifier les comportements qui répondent aux situations rencontrées.
Pourquoi tu te ronges les ongles ?
Au départ, tu as peut-être une bonne raison : t’attaquer à tes cuticules (ces petites peaux disgracieuses).
Mais lorsque ce comportement se produit sans raison consciente, juste en réaction automatique à un stimulus (stress, ennui), l’habitude s’enracine.
Résultat : plus tu associes le fait de te ronger les ongles au soulagement temporaire que cela te procure, plus tu ressentiras de la difficulté à modifier cette réaction conditionnée.
En réalité, de nombreuses décisions quotidiennes découlent tout simplement de solutions que nous avons trouvées dans le passé.
Notre cerveau déduit automatiquement d’une décision qui a fait ses preuves dans le passé qu’elle le fera probablement de nouveau dans le présent. L’action devient ainsi une routine.
Génial Guillaume, mais c’est quoi le rapport avec le business ?
C’est très simple… Tu es bien assis(e) ?
Maintenant que tu sais que nos comportements programmés influencent si efficacement nos actes quotidiens, tu imagines facilement que l’exploitation de ce super-pouvoir devient une véritable mine d’or pour ton business.
Bref, les habitudes peuvent être tout bénéfice pour les entrepreneur(e)s qui savent les modeler efficacement.
Les produits et les services addictifs
Les produits et les services addictifs modifient le comportement de l’utilisateur et suscitent son engagement spontané.
L’objectif consiste à inciter les clients à revenir d’eux-mêmes à votre produit, encore et encore, sans recourir à la publicité ou aux promotions. Le rêve, non ?
Une fois, l’habitude créée, l’utilisateur est mécaniquement invité à utiliser le produit ou le service lors d’activités routinières comme par exemple tuer le temps dans une file d’attente.

Les limites du pouvoir des habitudes
Si tu commercialises des produits ou des services qu’on achète ou que l’on utilise peu fréquemment, tu n’as pas besoin d’utilisateurs assidus, du moins pas au sens d’engagement quotidien.
Si c’est ton cas, tu peux t’arrêter là. Je te remercie de m’avoir lu jusqu’ici.
Pour les autres, j’ai une très bonne nouvelle : la création d’habitudes est très bonne nouvelle pour le business à plusieurs égards.

#1 Les habitudes augmentent la valeur à vie du client
Dans les écoles de commerce, on apprend que la valeur d’une activité est la somme de ses bénéfices à venir. Ce critère permet aux investisseurs de calculer le prix des actions d’une société.
Encourager les habitudes est une manière redoutable de développer la valeur d’une entreprise en augmentant la valeur à vie du client (LTV).
La valeur à vie du client représente l’argent gagné avant son passage à la concurrence et son abandon du produit.
Bref, les habitudes de l’utilisateur augmentent mécaniquement la durée et la fréquence de ses interactions avec le produit, ce qui accroît la valeur à vie du client.
Redoutable, non ?
Par exemple, les détenteurs d’une carte bleue (Visa ou Mastercard) valent une fortune car ils tendent à rester fidèles très, très longtemps.
La valeur à vie des clients Visa est donc très élevée. Tu comprends mieux pourquoi Visa (ou Mastercard) est prêt à dépenser des budgets publicitaires colossaux pour attirer de nouveaux clients !
#2 Les habitudes donnent plus de flexibilité aux prix
Récemment, j’ai terminé l’excellente biographie officielle de Warren Buffet de Alice Schroeder. Warren Buffet dit que l’on mesure la solidité d’une entreprise aux souffrances qu’elle endure pour augmenter ses prix.
En clair, les habitudes offrent aux entreprises une plus grande latitude pour augmenter leurs prix.
Par exemple, il suffit de prendre l’exemple de Candy Crush (jeu vidéo sur smartphone) qui a été téléchargé par plus de 500 millions de personnes.
Une fois l’habitude installée et l’envie de progresser accentuée, Candy Crush convertit beaucoup plus facilement l’utilisateur en client payant (modèle freemium).
Ce modèle s’applique également à un tas d’autres services qui utilisent la période d’essai pour créer une habitude (Netflix, Dropbox…).
#3 Elles dopent la croissance
Plus un utilisateur tire de la valeur d’un produit dans le temps, plus il sera tenté d’en parler à ses amis ou à sa famille (merci le bouche-à-oreille).
Un usage fréquent offre davantage d’occasions d’inciter les gens à inviter leurs amis, à partager un article sur Twitter et donc à entretenir le bouche-à-oreille.
Les utilisateurs accros se transforment en ambassadeurs de ta marque. Ils deviennent les meilleurs porte-paroles de ton entreprise et ils attirent des nouveaux utilisateurs à peu de frais.
Malin, non ?
Bref, les produits qui suscitent un engagement supérieur de leurs utilisateurs enregistrent généralement une croissance plus rapide que leurs concurrents.
Tu connais ton temps de cycle viral ?
Un usage plus fréquent entraîne plus de croissance virale.
Le temps de cycle viral (Viral Cycle Time) est le temps nécessaire à un utilisateur pour en inviter un autre.
David Skok
#4 Les habitudes aiguisent les avantages compétitifs
Les produits qui modifient les routines des clients sont moins susceptibles d’être attaqués par la concurrence.
Dans un article de référence, John Gourville (professeur de marketing à Harvard) explique que :
De nombreuses innovations échouent parce que les consommateurs surestiment l’ancien de manière irrationnelle, alors que les entreprises surestiment le neuf.
En bonus : la matrice des manipulations
Pour utiliser la matrice des manipulations de Nir Eyal, le fabricant doit se poser 2 questions :
- Utiliserais-je le produit moi-même ?
- Mon produit aidera-t-il concrètement les gens à améliorer leur existence ?

À retenir (et à partager)
- L’augmentation de la valeur de vie des clients, la plus grande latitude au niveau des prix, la croissance dopée et l’avantage compétitif représentent les 4 moteurs pour faire tourner encore plus vite la machine à cash.
- Les habitudes les plus récemment acquises sont également celles que l’on perdra plus vite (last in, first out).
- Pour s’ancrer, une nouvelle habitude doit être répétée souvent.
- Les produits addictifs se présentent souvent comme des produits agréables à consommer (vitamines), mais une fois l’habitude prise, ils deviennent indispensables (antidouleurs).

À toi, que penses-tu du pouvoir des habitudes ?
Tu es sur Pinterest ? Moi aussi ! Ne me laisse pas toute seule.
